À la centrale dévastée de Fukushima 1, Tokyo Electric Power Co. Holdings Inc. révèle que le niveau de radiation dans l’enceinte de confinement du réacteur 2 avait atteint 530 sieverts par heure (Sv/h), le taux le plus élevé qu’on ait mesuré depuis la fusion des trois cœurs en mars 2011. À ce taux de 530 SV/h, même une courte exposition suffit pour provoquer la mort, ce qui suggère l’ampleur des difficultés à venir, alors que le gouvernement et Tepco avancent à tâtons dans l’entreprise de démantèlement des 3 réacteurs dévastés par la catastrophe de mars 2011. Selon un responsable de l’Institut National des sciences radiologiques, jamais les professionnels du monde médical n’avaient prévu d’avoir à faire face à un tel niveau de radiation dans le cadre de leur travail. Tepco a également annoncé que d’après l’analyse des images prises par une caméra télécommandée, il existe un trou de deux mètres dans la plateforme métallique se trouvant sous la cuve dans l’enceinte de confinement du réacteur. Tepco pense aussi qu’une partie de la plateforme est déformée. - "Highest radiation reading since 3/11 detected at Fukushima", The Japan Times, 3 février 2017. [Le niveau de radiation le plus élevé depuis le 3/11 relevé à Fukushima]
Pour Fumiya Tanabe, un expert en sûreté nucléaire qui a analysé l’accident de Three Mile Island survenu en 1979 aux États-Unis, les résultats montrent que les travaux de préparation tout comme le processus de démantèlement lui-même se révèleront très probablement bien plus compliqués que prévu. - "Radiation Level in Fukushima Reactor could kill within a minute", Asahi Shimbun, 3 février 2017.Le taux de radiation dans le réacteur de Fukushima peut tuer en moins d’une minute]
Pour nous, il est maintenant clair que le niveau de radiation dans l’enceinte de confinement du réacteur 2 est nettement plus élevé que les experts ne le pensaient.
Le danger présenté par le réacteur 2 me rappelle l’histoire du risque d’effondrement du réacteur 4 après le séisme du 11 mars 2011. Le réacteur contenait 14,000 fois le taux de radiation de la bombe d’Hiroshima.
La dangerosité du réacteur 2 nous force à nous poser de nouvelles questions :
- Quelle est la probabilité du prochain séisme de grande ampleur ?
- Quelle est la résistance sismique du bâtiment qui abrite le réacteur ?
- Comment parvenir à trouver la location des coriums dans les cuves ?
- Si le réacteur s’écroulait, quelle serait la distance d’évacuation appropriée ?
- Quels seraient les impacts sur la vie marine dans le Pacifique ?
- Quels seraient les risques potentiels pour les enfants et le reste de la population de la côte ouest de l’Amérique du Nord s’ils étaient soumis à une contamination beaucoup plus sévère de l’océan venant de Fukushima ?
Je suis très heureux que M. Shuzo Takemoto — professeur au département de Géophysique à l’École supérieure de Science de l’Université de Kyoto, ait répondu à mes inquiétudes. Son point de vue est exposé ci-dessous.
– Akio Matsumura
Le réacteur No.2 de Fukushima Daiichi : un risque de catastrophe mondiale
Shuzo Takemoto, professeur à l’Université de Kyoto
Le 28 juillet 2016, la Tokyo Electric Power Company (Tepco, l’opérateur des réacteurs de la centrale de Fukushima) a publié les photos du réacteur 2 de la centrale de Fukushima1 en utilisant des muons, des particules cosmiques – un processus comparable à un examen aux rayons X. Ces images montrent l’ombre de 180 à 210 tonnes de matériaux dans la partie inférieure de la cuve. Tepco en a conclu qu’ « on estime que la plus grande partie du combustible nucléaire est restée dans la cuve »
On peut difficilement dire que la catastrophe de Fukushima s’achemine vers une solution. Le problème de l’unité 2, qui contient toujours une grande quantité de combustible nucléaire, est particulièrement crucial. La mise en service commerciale du réacteur 2 date de juillet 1974. Le réacteur a subi d’importantes variations de température et de pression à la suite de l’accident du 11 mars 2011, sans être détruit. Toutefois, parce que la cuve a été soumise aux rayonnements durant de longues années, sa résistance a probablement diminué. Si le réacteur doit subir un nouveau séisme de grande ampleur, il sera détruit et disséminera ce qui reste de combustible nucléaire et tous les débris, rendant inhabitable toute la région métropolitaine de Tokyo. Et il serait alors hors de question d’accueillir les Jeux Olympiques de 2020.
Le nombre de barres de combustible stockées dans les piscines de refroidissement est le suivant : 392 dans l’Unité1, 615 dans l’Unité 2 et 566 dans l’Unité 3. Normalement ces barres de combustible peuvent continuer à être refroidies si la fourniture d’électricité pour pomper l’eau est assurée. Nous sommes extrêmement inquiets à l’idée qu’une panne d’électricité ou qu’un grand séisme pourrait se produire. Les conséquences seraient terribles.
Le séisme du 22 novembre 2016, au large de la côte de la Préfecture de Fukushima (de force 7,4) et celui du 28 décembre dernier dans la partie nord de la Préfecture d’Ibaraki (force : 6,3) ont eu lieu dans la zone de répliques du séisme qui avait frappé la côte Pacifique du Tohoku en 2011. Dans cette zone, nous devons envisager qu’il pourra se produire un certain nombre de séismes de force 7. Par conséquent, nous ne pouvons exclure la possibilité que Fukushima Daiichi soit frappée par des séismes de force 6 et 7. Le plus à craindre est ce qui pourrait arriver à l’Unité 2 dont la cuve contient un volume important de débris de combustible nucléaire.
Cette cuve a enduré des changements brutaux de température et de pression au cours de l’accident de mars 2011, mais compte tenu de son affaiblissement possible dû aux rayonnements, elle pourrait être très sévèrement endommagée en cas de séisme important aux alentours.